RENCONTRE

Arnaud Bel,
créateur
de festivals
de musique

Texte : Guillaume Le Roux ©
Photos : Catherine Potier © Eole Factory Festival ©

Après avoir assuré la direction de Blues-sur-Seine pendant près de 10 ans, Arnaud Bel s'est lancé en 2019 dans une nouvelle aventure dans la vallée de la Seine : la création d'Eole Factory Festival, un festival de musique pluridisciplinaire dédié à la découverte des instruments à vents. Deux projets, un fil conducteur : développer des festivals qui ressemblent à leur territoire.

Voko : Comment en es-tu arrivé à la musique ?
Arnaud :
J'ai vécu 18 ans en Belgique puis j'ai étudié !'Histoire à Paris. Je m'intéressais déjà à la musique, car je fréquentais beaucoup les cafés concerts. Pour mon master de médiation culturelle, j'ai travaillé sur les initiatives culturelles et les problématiques de l'intégration à Saint-Denis. Cela m'intéressait de faire le lien entre le spectacle vivant et le travail avec les publics pour qu'ils s'approprient les évènements. En 1989, cette ville a été l'une des premières villes à organiser elle-même un concert de hip hop, avec 1AM et NTM !
A travers différentes expériences dans le Sud-Ouest et le Jura, j'ai eu la chance d'aborder tous les côtés du spectacle vivant, la production, la communication, l'administratif - pour voir comment s'organisait un spectacle en coulisses. Puis, j'ai vu l'annonce pour Blues sur Seine en 2009.

V. : Tu as longtemps été le directeur du festival Blues-sur-Seine. Quel regard en as-tu ?
A. :
L'intérêt de travailler le blues, c'est qu'il est une matrice pour d'autres musiques, qu'il a des origines partout. On parle beaucoup du blues américain, mais il a aussi des origines africaines. Les instruments du blues viennent de différents pays : l'harmonica d'Allemagne, le violon d'Irlande.

C'était passionnant de travailler avec les structures pédagogiques et sociales pour lutter contre les discriminations, valoriser les différentes cultures. Cette dimension sociale et citoyenne n'était pas aussi développée à mon arrivée. Mais dès l'origine, la base du projet était d'avoir une diffusion pour tous, et d'aller vers tous les types de publics.

Blues-sur-Seine est un festival totalement atypique sur ce territoire. Peu de festivals trouvent un aussi bon équilibre entre culture pour tous, action sociale, action pédagogique, et action artistique (soutien à l'émergence ... ). C'est un projet complet qui ressemble à son territoire : bigarré avec des gens de différentes origines, avec de la ruralité, de l'urbain, un territoire complexe et beau !

V. : Quels sont tes liens avec Jean-Pierre Vignola (programmateur de Blues-sur-Seine et d'Eole Factory Festival, co-fondateur de Jazz à Vienne) ?
A. :
Jean-Pierre mériterait sa propre interview ! est très important pour la musique en France mais aussi à l'international. Il a une renommée folle auprès de nombreux artistes noirs-américains. Il a fait venir énormément d'artistes majeurs à l'époque où les circuits de diffusion étaient beaucoup plus complexes qu'aujourd'hui. Ce qui est génial, c'est qu'il a une vision très altruiste du spectacle: li le fait pour le public, et pour le musicien. C'est ce qui l'a guidé dans ses 1 000 aventures (Jazz à Vienne, Jazz à Munster ... ). Il est natif du Mantois et très attaché à son territoire. Il a fait venir Nina Simone, Duke Ellington, Luther Allison, à Mantes-la-Jolie !

V. : Tu es désormais investi dans le festival Eole Factory. Peux-tu nous en dire deux mots ?
A. :
Eole Factory Festival, c'est aussi un festival qui ressemble à son territoire. Dans le Mantois, on a la chance d'avoir deux facteurs d'instruments très connus : Selmer et Buffet Crampon. Ce territoire est un vrai territoire de musique. Cela m'a donné l'idée de créer un festival autour du patrimoine musical local, d'où le choix des dates, lors des journées du patrimoine ( 19 & 20 septembre 2020). On parle beaucoup de la vallée des impressionnistes, mais on est aussi au cœur d'une vallée musicale. L'idée a été de créer ce festival avec les forces vives musicales du territoire pour le valoriser.
Le festival repose sur une autre originalité : nous avons décidé de ne mettre aucune barrière entre les styles de musique. Les artistes viendront des musiques actuelles, du jazz, du classique .... On peut développer la création autour de tous ces styles, pour faire perdurer ce côté créatif et musical du territoire. Ici, c'est rare, on a tout: de la création de l'instrument à la réalisation du concert par l'artiste. C'est unique car on ne peut le faire sur aucun autre territoire.

V. : Comment programmes-tu les différents groupes ?
A. :
Sur le festival IN, Jean-Pierre Vignola et moi souhaitons valoriser des artistes professionnels. Cette partie du festival est axée sur la création artistique. On propose à des artistes de se rencontrer dans le cadre du festival pour un véritable échange artistique. On essaye aussi d'avoir des artistes accessibles, qui pourront parler au plus grand nombre, tout en incitant le public à être curieux des autres propositions artistiques. C'est pour cela qu'on a plusieurs lieux sur le même site: une scène payante, et plusieurs scènes offertes. En complément, le festival OFF valorise les musiciens locaux, dans différents lieux, par exemple les maisonnettes de Nadia et Lili Boulanger à Gargenville.

V. : Quels sont tes projets pour les années à venir ?
A. :
Actuellement, je suis responsable multi-pôle pour la SPEDIDAM [société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes], pour les aspects artistiques, communication et production de 15 festivals en France, dont Eole Factory Festival. C'est très intéressant de travailler sur l'identité de chaque territoire, car ils sont tous différents (Albertville, La Ferté-sous-Jouarre, Surgères ... ). Il n'y a pas de recette magique pour réussir un évènement : il faut travailler avec les gens et les structures en place et essayer de donner une identité qui ressemble le plus possible à ce que le territoire a de meilleur.
Pour l'édition 2020, on voudrait développer l'attractivité du village, avec plus d'ateliers pour découvrir les instruments, de visites 3D des usines, et de jeux pour développer l'accès des familles. On va aussi rajouter une 3e scène acoustique. Des artistes internationaux comme Kassav' rejoindront la programmation, avec une journée dédiée aux Cara'tbes. L'ensemble du programme sera accessible sur le site internet du festival. Nous serons ravis de vous accueillir les 18-19-20 septembre sur l'lle l'Aumône à Mantes-la-Jolie !

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